Licence IV pour les débits de boissons : réglementation, obtention et obligations

Publié le 14 avril 2025

Si vous souhaitez ouvrir un bar, un café, un pub ou encore un restaurant qui propose des boissons alcoolisées à consommer sur place – en dehors du cadre strict d’un repas – la licence IV est tout simplement incontournable. Cette autorisation administrative est indispensable pour pouvoir vendre des alcools forts, comme les spiritueux. Et son obtention est rigoureusement encadrée par la législation française.

Qu’est-ce que la licence IV, exactement ?

Aussi appelée licence de 4e catégorie, grande licence ou encore licence de plein exercice, la licence IV permet de servir sur place des boissons contenant plus de 18° d’alcool pur. Elle concerne donc l’ensemble des spiritueux.

En France, les boissons alcoolisées sont classées en cinq groupes, en fonction de leur nature et de leur teneur en alcool. La licence IV couvre uniquement les groupes 4 et 5 :

  • Groupe 4 : rhum, tafia, alcools issus de la distillation de vins, cidres, poirés ou fruits, ainsi que les liqueurs anisées ou sucrées (édulcorées au sucre ou au glucose).
  • Groupe 5 : tous les autres alcools distillés non inclus dans le groupe 4, comme le whisky, la vodka, le gin, la tequila, les liqueurs, les eaux-de-vie et certains digestifs.

Sans licence IV, il est donc interdit de vendre ce type de boissons dans un établissement, sauf si vous êtes titulaire d’une d’une licence grande restauration – auquel cas leur service est uniquement autorisé en accompagnement d’un repas.

Pas de création libre de licence IV

Contrairement à la licence III, il n’est pas possible de créer librement une licence IV. La règle est claire : sauf dérogation exceptionnelle (que nous détaillons un peu plus bas), toute création « ex-nihilo » est strictement interdite. Autrement dit, la délivrance d’une licence IV ne peut se faire que dans des cas très précis et géographiquement encadrés.

Si vous souhaitez proposer des spiritueux à consommer sur place dans votre établissement, deux solutions s’offrent à vous :

  • Acheter une licence IV déjà existante, dans la même région,
  • Ou transférer une licence depuis une autre commune de la région, sous réserve d’une autorisation préfectorale.

Une dérogation temporaire pour certaines communes

Entre décembre 2019 et décembre 2022, une loi dérogatoire a offert une fenêtre de création exceptionnelle. Certaines petites communes ont pu obtenir une licence IV si elles remplissaient deux conditions cumulatives :

  • Avoir une population inférieure à 3 500 habitants,
  • Et ne disposer d’aucune licence IV au 28 décembre 2019.

Ce dispositif était temporaire. Depuis son expiration, aucune nouvelle création de licence IV n’est autorisée – même si une commune perd sa dernière licence ou si un établissement ferme définitivement.

Comment obtenir la licence IV ?

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’obtention d’une licence IV ne passe ni par une simple demande en mairie, ni par une création directe – sauf dans quelques cas très rares. En réalité, il faut acquérir une licence existante ou transférer une licence depuis une autre commune de la même région. Ce processus demande de suivre plusieurs étapes administratives, juridiques et réglementaires, dans un cadre strictement encadré.

Remplir les conditions légales

Avant toute chose, la personne qui souhaite exploiter une licence IV doit prouver qu’elle remplit l’ensemble des conditions d’aptitude juridique prévues par le Code de la santé publique :

  • Âge requis : être majeur ou mineur émancipé par décision judiciaire.
  • Capacité juridique : ne pas être placé sous tutelle, ce qui rend toute activité commerciale interdite.
  • Casier judiciaire : l’administration peut demander le bulletin n°2 du casier judiciaire. Les personnes condamnées pour proxénétisme ou infractions graves en sont définitivement exclues. En cas de délits comme le vol ou l’escroquerie, une inaptitude peut être levée après 5 ans sans récidive.

Ces règles garantissent que l’exploitant dispose d’une intégrité suffisante pour gérer la vente d’alcool, un secteur sensible pour des raisons de santé publique.

Obtenir le permis d’exploitation

Le permis d’exploitation est un pré-requis obligatoire pour toute activité liée à la licence IV. Ce n’est pas une simple formalité : il s’agit d’une formation de 20 heures, répartie sur 2 à 3 jours, assurée par des organismes agréés par l’État.

Pendant la formation, l’exploitant apprend à :

  • Comprendre les enjeux de santé publique liés à la consommation d’alcool,
  • Appliquer les règles relatives à la protection des mineurs,
  • Gérer les situations d’ivresse publique ou de trouble à l’ordre public,
  • Connaître les horaires de vente autorisés, les zones protégées et les restrictions locales,
  • Identifier les sanctions encourues en cas de non-respect de la réglementation.

Le formation initiale au permis d’exploitation est valide 10 ans. Au-delà, une formation de mise à jour de 6 heures est nécessaire pour le renouvellement.

Il est obligatoire dans les cas suivants :

  • Translation : déplacement de la licence dans une même commune,
  • Ouverture d’un nouvel établissement,
  • Mutation de licence (changement de propriétaire ou de gérant),
  • Transfert dans un autre établissement du même département,
  • Transfert touristique vers une commune limitrophe dans un département voisin.

Immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS)

Avant de pouvoir exploiter une licence IV, votre établissement doit être immatriculé au RCS. Cette étape donne une existence juridique à votre activité.

Deux options pour effectuer cette formalité :

  • Via le Guichet unique des formalités des entreprises (en ligne),
  • Ou auprès de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de votre département.

Il est fortement recommandé de faire cette immatriculation en amont, car le numéro SIRET qui en découle est requis pour compléter la déclaration en mairie.

Déclaration de l’établissement en mairie

Enfin, toute licence IV doit être déclarée auprès de la mairie (ou de la préfecture de police à Paris) au moins 15 jours avant le début d’activité ou tout changement lié à son exploitation.

Les documents à fournir sont :

  • Le formulaire Cerfa n°11542*05 (déclaration préalable d’un débit de boissons),
  • Une pièce d’identité (passeport, carte nationale d’identité…),
  • Le permis d’exploitation,
  • Un justificatif d’immatriculation au RCS (extrait Kbis).

Une fois votre dossier accepté, la mairie vous remet un récépissé de déclaration (Cerfa n°11543*05). Attention, ce document ne vaut pas autorisation immédiate : un délai de 15 jours doit encore s’écouler avant de pouvoir ouvrir votre débit de boissons.

Une erreur ou un oubli dans cette déclaration peut entraîner un blocage administratif ou l’invalidité de la licence.

Quel est le coût d’une licence IV ?

Obtenir une licence IV représente un investissement conséquent dans un projet de débit de boissons vendant des alcools forts. Contrairement à la licence III, elle ne peut ni être obtenue gratuitement, ni être créée sur simple demande. Elle doit obligatoirement être achetée sur le marché, ce qui explique la variabilité de son prix.

Le coût d’une licence IV dépend exclusivement de la loi de l’offre et de la demande. Plusieurs facteurs influencent le prix :

  • La rareté de la licence dans la zone géographique concernée,
  • Le niveau de demande locale, notamment dans les zones urbaines,
  • La densité de population, qui conditionne le quota légal de licences attribuables,
  • Le potentiel commercial de la commune ou du quartier.

Voici quelques ordres de grandeur indicatifs :

Type de zone Prix approximatif
Petites communes rurales entre 7 500 € et 15 000 €
Villes moyennes entre 15 000 € et 30 000 €
Grandes agglomérations entre 30 000 € et 50 000 €
Quartiers touristiques/parisiens parfois plus de 60 000 €

À ces montants peuvent s’ajouter :

  • des frais d’agence (en cas d’intervention d’un cabinet spécialisé),
  • des frais juridiques (notamment en cas de cession de fonds de commerce),
  • des coûts administratifs liés à la mutation ou au transfert de la licence.

Une dérogation possible pour les établissements touristiques

Une exception existe pour certains établissements à vocation touristique, sous conditions strictes. Cette dérogation permet un transfert de licence même au-delà des limites régionales, à condition de respecter les critères suivants :

  • Le débit de boissons doit être réservé à la clientèle de l’établissement (ex. : hôtel, résidence de tourisme, club privé),
  • Il ne doit pas être accessible depuis la voie publique (accès exclusivement intérieur),
  • Aucune publicité locale ne doit être faite pour signaler la présence d’un service de boissons.

Dans ce cadre, le transfert est autorisé vers un département limitrophe, sous décret d’application et avec l’accord du préfet du département d’accueil.

À noter : une fois transféré dans ces conditions, le débit de boissons ne pourra faire l’objet d’un nouveau transfert dans un autre département qu’au terme d’un délai de huit ans.